Daniel Dunglas Home est né près d'Edimbourg,
le 20 mars 1833 ; ses parents
descendaient d'anciennes familles
écossaises. Dans celle de sa mère - la
famille Mac Neill - on possédait le don
de double vue, traditionnel en Ecosse,
et sa mère était elle-même douée de
cette faculté.
Home fut adopté, dès son bas âge, par
une tante qui n'avait pas d'enfants et
qui l'éleva à Portobello jusqu'à l'âge
de neuf ans. A cette époque, elle émigra
en Amérique avec son mari. L'enfant
suivit ses parents adoptifs dans leur
nouvelle résidence. Il était très
sensitif, d'un tempérament extrêmement
nerveux et d'une santé si délicate qu'il
semblait destiné à une fin prématurée.
Malgré sa frêle constitution, toutefois,
il avait un heureux naturel et une gaîté
de caractère qu'il conserva au cours de
sa carrière, en dépit des dures épreuves
par lesquelles il eut à passer. «Je me
souviens de lui, » écrit un de ses
anciens condisciples, M. Carpenter,
maire de Norwich (Connecticut), « comme
du meilleur garçon du monde ; de tous
mes camarades, je n'en ai pas connu de
plus gai, de plus affectueux, de mieux
disposé à rendre service ; il avait du
goût pour l'étude, mais, en dehors des
heures de classe, il aimait à courir la
campagne et les bois en compagnie d'un
ou deux amis préférés. Personnellement,
je ne crois pas au spiritisme, ne m'en
étant jamais occupé ; mais je sais que
mon ancien ami était foncièrement
honnête et sincère dans ses convictions.
»
Après avoir habité Norwich pendant un
certain temps, il vint avec son oncle et
sa tante résider à Troy, ville de l'Etat
de New-York. Ce fut là que sa faculté
médianimique se manifesta pour la
première fois. Il avait pour ami intime
un camarade nommé Edwin. Ils se
promenaient fréquemment ensemble dans
les bois et s'y installaient pour des
lectures, dont l'un et l'autre étaient
également friands. Edwin ayant lu,
pendant une de ces excursions, le récit
d'une apparition très romanesque, une
discussion s'engagea sur ce sujet entre
les deux amis. Après s'être demandé
quelle créance convenait d'accorder à un
tel fait, ils conclurent par la mutuelle
promesse que celui des deux qui mourrait
le premier viendrait l'annoncer au
survivant. Quelques semaines après, Home
partait pour Troy, distant de trois
cents milles environ de Norwich. Il
avait alors treize ans.
Au mois de juin suivant, il rentrait un
soir, un peu tard, de chez un ami.
Craignant d'être réprimandé par sa
tante, il se retira sans bruit. La nuit
était belle, et la lune éclairant
suffisamment sa chambre sans rideaux, il
ne prit pas la peine d'allumer sa bougie
; au moment où il se mettait au lit, un
fait se produisit, qu'il raconte ainsi
dans Incidents : « Pendant que
je m'installais sous ma couverture, la
chambre me parut s'assombrir subitement,
ce qui m'étonna d'autant plus, que je
n'avais pas aperçu le moindre nuage au
ciel. Regardant du côté de la fenêtre,
je distinguai très bien la lune, mais au
travers d'une ombre qui devint de plus
en plus intense et qui laissait passer
une lumière, que je ne saurais comment
décrire, semblable toutefois à celle que
moi et bien d'autres avons vue depuis
lors, quand une présence spirituelle
vient éclairer une chambre. Cette
lumière étant devenue plus vive mes yeux
se portèrent vers le pied de mon lit et
j'y vis mon ami Edwin. Je le voyais
comme enveloppé d'un nuage brillant qui
illuminait son visage, lui donnant une
netteté que n'a pas celui des mortels.
Il me regardait avec un sourire d'une
douceur ineffable et, levant le bras
droit, il en traça trois cercles ; la
main commença alors à se dissoudre, puis
le bras ; après quoi le corps entier
s'évapora peu à peu. La chambre avait
repris sa clarté naturelle. Je restai
sans voix et sans mouvement, quoique
j'eusse conservé toutes mes facultés
intellectuelles. Aussitôt que j'eus
recouvré l'usage de mes membres, je
sonnai ; on accourut, pensant que
j'étais malade, et mes premiers mots
furent : «J’ai vu Edwin, il est mort il
y a trois jours. » Un jour ou deux après
arrivait une lettre, annonçant qu'il
était mort après une très courte
maladie. »
Quatre ou cinq ans plus tard - en 1850 -
Home eut une seconde vision de même
genre. Il habitait de nouveau Norwich,
où il était retourné avec sa tante ; ses
parents, qui avaient aussi émigré en
Amérique, étaient domiciliés à une
douzaine de milles de là, dans la ville
de Waterford. Mme Home, étant un jour
seule avec son fils, lui annonça qu'elle
le quitterait dans quatre mois ; sa
petite sœur Mary, disait-elle, lui était
apparue et le lui avait prédit. Quelque
temps après, Mme Home alla faire un
séjour chez des amis ; juste à l'époque
fixée pour son retour, sa famille
recevait un télégramme, annonçant
qu'elle était tombée gravement malade.
Son mari dut partir immédiatement pour
aller la rejoindre ; le fils, alité
lui-même, ne put pas l'accompagner. Le
même soir, la tante, s'entendant appeler
par le jeune malade, s'empresse de se
rendre auprès de lui et le trouve dans
un état de grande surexcitation. «
Tante, » dit-il, « maman est morte à
midi ; je viens de la voir et elle me
l'a dit. » Croyant qu'il avait du
délire, sa tante chercha à le calmer ;
mais le fait n'était que trop vrai : sa
mère était morte le même jour, à midi,
précisément quatre mois après la
prédiction qu'elle lui en avait faite.
Les premières manifestations par coups
frappés, dont Home fut l'intermédiaire,
amenèrent entre sa tante et lui de
sérieux dissentiments ; son caractère et
les visions qu'il avait eues le
prédisposaient à l'examen des problèmes
de l'au-delà ; sa tante, au contraire,
avait sur ces questions une manière de
voir bien différente ; persuadée que les
bruits insolites qui se faisaient
entendre en présence de son neveu - dans
la chambre duquel avaient débuté ces
bruits tout spontanés - étaient
provoqués par une influence diabolique,
elle s'adressa aux trois clergymen de
Greeneville, - où ils habitaient alors,
- membres de trois sectes différentes, -
un congrégationaliste, un baptiste et un
méthodiste, - dans l'espoir que l'un ou
l'autre trouverait le moyen de mettre un
terme à ces fâcheuses manifestations.
Mais l'effet produit ne fut pas ce
qu'ils en attendaient. Le ministre
baptiste avait proposé de chasser Satan
par la prière : « Pendant que nous nous
y livrions, » dit Home, « de légers raps
se firent entendre sur sa chaise et sur
plusieurs points de la salle et, chaque
fois que nous implorions la miséricorde
divine, soit pour nous, soit pour nos
semblables, des raps bien accentués
semblaient intercéder aussi avec nous.
Je fus tellement frappé de ces
manifestations, que je me promis alors,
à genoux, de me consacrer entièrement à
Dieu et de suivre les directions qui
m'étaient ainsi données en tout ce qui
me paraîtrait juste et bon, car tel
devait bien être le but des témoignages
d'approbation donnés à ces périodes
spéciales de la prière. Cette
circonstance décida en réalité de ma vie
tout entière et je n'ai jamais regretté
d'avoir pris cette détermination, malgré
les nombreuses épreuves qui en
résultèrent pour moi pendant bien des
années »
A
partir de ce jour, les raps devinrent
plus fréquents, mais on n'avait encore
fait aucune expérience pour chercher à
savoir si ces bruits devaient être
attribués à une intelligence quelconque
; ce fut chez une veuve qui habitait
dans le voisinage qu'on s'en rendit
compte pour la première fois ; on se
servit de l’alphabet, et des réponses
aux questions posées furent obtenues par
ce moyen. Les habitants de Greeneville
commencèrent alors à s'émouvoir et à
envahir la maison, ce qui mit le comble
aux perplexités religieuses de Mme Mac
Neill Cook. Au nombre des assistants se
trouvait une dame Force. La table dicta
par des raps le nom de sa mère. Elle
reçut ensuite un message, dans lequel on
lui reprochait d'avoir oublié une sœur
partie pour l'Ouest avec son mari une
trentaine d'années auparavant et dont on
n'avait eu dès lors aucune nouvelle. Le
nom de la ville qu'habitait actuellement
cette sœur ayant été donné, Mme Force
écrivit à l'adresse indiquée et, à sa
grande surprise, elle obtenait, bientôt
après, une réponse à sa lettre.
Bien loin de ne voir - comme tant d'autres
- qu'une chose ridicule dans ces
communications par la table, la tante de
Home en admettait parfaitement la
réalité, mais elle les considérait comme
impies et l'invasion de sa demeure par
la foule des curieux lui causa une
véritable terreur. Elle déclara, en
conséquence, que puisque les Esprits ne
voulaient pas quitter la maison, c'était
à son neveu de la quitter, et elle le
mit à la porte.
Home trouva chez un ami, dans la ville
voisine de Willimantic, un asile
temporaire. Il aurait pu garder rancune
à sa tante de cette manière d'agir à son
égard, mais il avait le cœur haut placé
et ne conserva que le souvenir des soins
qu'elle lui avait prodigués dans son
enfance ; aussi, le premier usage qu'il
fit de sa fortune, lorsque Mrs. Lyon -
comme nous le verrons plus loin - mit à
sa disposition une somme considérable,
fut-il de lui faire don d'un cottage
dans lequel elle passa le reste de ses
jours et où elle mourut, en 1876, à la
suite de l'émotion qu'elle éprouva, à la
fausse nouvelle de la mort de son neveu.
La publicité donnée par les journaux aux
manifestations qui continuaient à se
produire en sa présence lui attirèrent à
Willimantic, comme ailleurs, un si grand
nombre de visiteurs, qu'il se décida à
quitter cette localité pour aller se
fixer à Lebanon, dans une propriété
rurale appartenant à la famille Ely. Ce
fut à cette époque - en 1851 - qu'il
opéra sa première guérison médianimique.
Le récit qu'il en fait dans
Incidents est assez curieux pour
mériter d'être rapporté : « Pendant la
seconde semaine de mon séjour à Lebanon
», dit-il, « j'étais allé passer un jour
ou deux dans une famille qui demeurait à
environ trois milles de là. Une
après-midi, je tombai en trance. Lorsque
je revins à moi, la dame de la maison me
dit que je m'étais entretenu avec un
Esprit qui m'ordonnait de me rendre
sur-le-champ chez un M. B... Connaissant
à peine ce monsieur, il me semblait fort
étrange d'avoir à me présenter chez lui,
sans savoir ce que je venais y faire et
sans autre prétexte que ce message de
mes amis invisibles. C'était à six
milles de l'endroit où je me trouvais et
j'étais obligé de faire à pied la moitié
du trajet. »
Après bien des hésitations et de
nouvelles extases dans lesquelles ses
guides lui reprochèrent de manquer de
foi, il se décida à partir pour Lebanon
et de là, à cheval, pour la destination
indiquée. « Au moment de mettre pied à
terre, » ajoute-t-il, « un orage s'annonçait
et, avec la première goutte de pluie qui
tomba sur ma main, il me vint à l'idée
que la mère de M. B... était
dangereusement malade. Je sonnai et ce
fut M. B... lui-même qui vint m'ouvrir.
« Madame votre mère est malade, » lui
dis-je, « J'ai été envoyé pour prescrire
le remède. » - «Comment,» fit-il, «
pouviez-vous la savoir malade, lorsqu'elle
ne l'est que depuis une heure et que
nous avons envoyé chercher un médecin
dans une direction opposée à celle d'où
vous venez ? Mais je crains qu'il n'arrive
trop tard, car ma pauvre mère s'en va
rapidement. » Ayant attendu quelques
instants qu'il me vînt une impression
quelconque, je tombai tout à coup en
extase et, dans cet état, je me dirigeai
vers la chambre de la malade ; là,
quelques passes faites sur elle, de ma
main, calmèrent ses douleurs aiguës et,
peu d'instants, après, elle dormait
tranquillement. Durant mon état de
somnambulisme, j'avais ordonné l'usage
immédiat de quelques herbes et l'emploi
régulier de quelques autres. Je fus fort
surpris de ce qui s'était passé lorsqu'on
me le raconta, à mon retour à l'état
normal. Quand, une heure plus tard, le
médecin arriva, il trouva sa malade hors
de danger et déclara, après l'avoir
examinée, que, d'après la nature de l'attaque,
les conséquences en auraient été
probablement fatales si l'on n'eût pris
des mesures immédiates pour en combattre
les symptômes. « Ma mère ne s'est jamais
aussi bien portée depuis dix-huit ans, »
écrivait M. B..., quelques semaines plus
tard, à un de ses amis : « elle suit
strictement les instructions données par
Daniel et l'effet en est magique
La santé de Home s'améliora pendant son
séjour à Lebanon ; il savait que la
pratique de la médiumnité lui causait
une déperdition de force vitale, et ses
amis Ely, qui avaient fait la même
remarque, l'engageaient à se ménager et
à résister aux instances de ceux qui,
abusant sans scrupule de sa bonne
volonté, réclamaient de lui des séances
trop multipliées.
Il n'en fut pas de même à Springfield
(Massachusetts) où il vint demeurer, en
1852, chez M. Rufus Elmer, un des
notables de l'endroit. « Pendant le
temps que j'y séjournai, » dit-il, « les
manifestations attirèrent une foule de
gens désireux de voir de leurs propres
yeux les phénomènes ; la force était
alors considérable et je tins souvent
jusqu'à six ou sept séances dans un seul
jour. On venait de fort loin, même du
Far-West, où les journaux avaient parlé
de moi l'année précédente. »
On lit à ce sujet dans Life and
Mission un compte rendu signé du
célèbre poète Bryant, du prof. Wells, de
l'Université d'Harward et de MM. Bliss
et Edwards, donnant les détails d'une
séance à laquelle ils ont assisté et des
phénomènes intéressants qu'ils y ont
observés en pleine lumière ; ils
concluent à l'impossibilité de toute
mystification dans les conditions où ils
se trouvaient.
Les merveilleuses cures, qu'il avait
opérées suggérèrent à Home l'idée de se
vouer à la carrière médicale il avait
alors 19 ans et, n'acceptant jamais de
rémunération, sa position était fort
précaire. Il fit part de son projet à
ses hôtes mais ceux-ci, sans le
désapprouver absolument, lui firent une
proposition bien inattendue - n'ayant
pas d'enfants, ils désiraient faire de
lui leur fils adoptif et leur héritier,
à la seule condition qu'il remplacerait
son nom de Home par celui de Elmer. Il y
avait là de quoi tenter un jeune homme
sans aucune fortune et cependant, après
y avoir sérieusement réfléchi et avoir
consulté ses amis Ely, il se décida à
décliner l'offre qui lui était faite. «
Vous devez être très reconnaissant
envers M. Elmer de la bonté qu'il vous
témoigne, » lui avait-on écrit de chez
les Ely, « mais prenez garde toutefois
de prendre une détermination hâtive que
vous auriez peut-être à regretter les
uns ou les autres. Pourquoi ne
feriez-vous pas votre chemin sous votre
propre nom ? » Ce conseil répondait au
sentiment intime de Home, qui tenait à
son indépendance et n'aurait pas voulu
engager les Elmer dans une démarche dont
ils se seraient peut-être repentis plus
tard. Il partit peu après pour New-York,
mais il ne conserva pas moins d'excellentes
relations avec ceux qui avaient désiré
devenir ses parents adoptifs.
Il fit à New-York la connaissance de
plusieurs personnages célèbres, celle
entre autres du prof. Hare, chimiste et
électricien éminent du prof. Mapes et du
juge Edmonds, qui tous trois se
convainquirent, non seulement de la
réalité des phénomènes, mais aussi de
leur origine spirituelle.
De 1852 à 1854, Home passa par bien des
péripéties. Le Dr Hull, mis en éveil par
une séance à laquelle il avait assisté,
l'invita à venir séjourner quelque temps
dans sa résidence de New-burgh, sur les
bords de l'Hudson, lui offrant une somme
importante que le médium refusa,
déclarant qu'il n'avait jamais fait
payer ses séances et qu'il était résolu
à en agir toujours de même et il se tint
parole. On aura de la peine à comprendre
que, dépourvu de ressources comme il l'était,
il ait fait preuve d'un si complet
désintéressement. Cela n'a pas empêché,
d'ailleurs, ses détracteurs de l'accuser
de vénalité à bien des reprises ; le
trait que je vais rapporter, suffira, je
pense, pour mettre à néant de telles
accusations.
Etant à Paris en 1857, on s'occupait
beaucoup de lui et, dans un certain
cercle de la jeunesse dorée, le Club de
l'Union, on ne voulait pas croire qu'il
refusât toute gratification ; convaincus
que c'était une question de plus ou de
moins, quelques-uns de ses membres,
après s'être concertés, lui offrirent
50,000 francs pour une seule séance.
Cette offre fut déclinée comme toutes
les autres. Home, cependant, sachant que
le public croit volontiers que tous les
médiums, sans exception, sont disposés à
vendre leurs services, et voulant
laisser après sa mort une réputation
intacte, profita de l'occasion qui se
présenta, longtemps après, pour se faire
délivrer par un ami, membre de ce Club,
M. Bodiska, fils du consul russe à
New-York, une attestation écrite sur ce
qui s'était passé à cet égard. « J'ai
raconté cette histoire, » lui dit-il, «
mon cher Bodiska, mais on l'a traitée de
fable. Comme justice ne m'est pas
souvent rendue et qu'on prétend
constamment que je fais payer mes
séances, il est probable que, lorsque je
ne serai plus là, on dira que j'ai
accepté les 50,000 francs qui m'étaient
offerts pour cette séance ; peut-être
même doublera-t-on la somme. » M.
Bodiska se rendit volontiers à la
demande de son ami et lui remit la
déclaration suivante, qui se trouve
entre les mains de Mme Dunglas Home :
« C'est à Paris, chez mon beau-père, le
comte Alexandre Komar, où il demeurait
alors, que je me suis rencontré pour la
première fois avec M. D. D. Home ; j'ai
eu l'occasion d'apprécier aussi bien son
caractère, que les phénomènes
extraordinaires qui se produisent en sa
présence et je déclare franchement, que
rien dans les principes de la nature ne
peut expliquer ce que moi et d'autres
avons constaté, non pas une, mais bien
une centaine de fois. Jamais il n'a été
incité, par un motif de lucre, à user de
sa merveilleuse faculté, car, à ma
connaissance, il a refusé bien des
offres, dont une, en particulier, du
Club de l'Union, qui lui avait offert
50,000 francs pour une séance. Un parent
de ma femme lui a même proposé de l'adopter
et de lui assurer une rente viagère, ce
qu'il a aussi refusé.
« B. BODISKA »
Home, ayant décliné les propositions du
Dr Hull, en ce qui concernait la
question financière, consentit toutefois
à aller passer quelque temps chez lui et
à y donner des séances ; les résultats
en ayant été très intéressants, le
docteur s'entendit avec un certain
nombre d'amis pour trouver le moyen de
vaincre ses susceptibilités. Ils lui
proposèrent alors - comme son éducation
avait été passablement négligée - de se
charger de lui et de lui donner
collectivement l'instruction
préparatoire qui le mettrait à même d'étudier
la médecine, à laquelle il désirait se
vouer. Home accepta ; mais, assailli de
divers côtés par des demandes de séances
qu'il ne savait pas refuser, ce ne fut
qu'en 1853 qu'il put profiter de la
bienveillance de ses amis. Sous la
direction du Dr Hull, il commença alors
à apprendre le français et l'allemand et
fut bientôt en mesure d'entreprendre ses
études de médecine ; il quittait dans ce
but Newburgh, en automne 1853, pour se
rendre, à New-York.
Destiné, toutefois, à être l'apôtre du
nouveau spiritualisme, diverses
circonstances vinrent se mettre à la
traverse des plans que ses amis avaient
formés pour lui ; d'une part, son
caractère ne se prêtait pas à la vie
sédentaire qu'exigeaient des études
suivies ; d'autre part, sa santé en
souffrait à tel point, qu'en janvier
1854 il tomba sérieusement malade et dut
suspendre tout travail ; une année après,
il se voyait obligé de renoncer
définitivement à la carrière qu'il avait
ambitionnée. Son poumon gauche étant
attaqué, le Dr Gray, ainsi que d'autres
médecins de ses amis qu'il consulta,
furent d'avis que le seul moyen d'enrayer
le mal était d'entreprendre un voyage en
Europe. Après avoir consacré deux mois à
faire ses adieux aux nombreuses
relations qu'il laissait en Amérique, il
s'embarquait pour l'Angleterre en avril
1855.
«
Je n'oublierai jamais, » écrit-il dans
Incidents, « les sentiments qui
m'assaillirent, lorsque je me vis sur le
pont au milieu d'une foule de passagers,
dont la plupart étaient heureux d'un
voyage qui les ramenait dans leur
famille ou vers des amis par lesquels
ils étaient impatiemment attendus,
tandis que moi je me trouvais seul,
malade et complètement déçu dans mes
espérances. Il ne me restait pour toute
consolation que l'espoir d'entrer, après
quelques mois de souffrances, dans un
monde meilleur. L'étrange pouvoir que je
possédais me faisait passer chez
quelques-uns pour un pauvre illuminé, un
suppôt de Satan envoyé pour la perdition
des âmes, tandis que d'autres me
considéraient comme un vulgaire
imposteur. L'isolement dans lequel je me
sentis alors, me plongea dans un tel
état de prostration, que je perdis tout
courage. Me retirant alors dans ma
cabine, j'adressai à Dieu une fervente
prière, lui demandant de m'envoyer
quelque rayon d'espérance. Bientôt je
sentais la paix descendre dans mon âme
et lorsque je me relevai, de tous mes
compagnons de voyage, il n'en était pas
de plus heureux que moi »
Dès son arrivée à Londres, il se vit
recherché dans la meilleure société. Il
était loin, bien loin de pouvoir
accorder toutes les séances qu'on lui
demandait. Parmi les personnages de
marque qui firent avec lui des
expériences suivies se trouve Lord
Brougham. En compagnie de William Cox,
il obtint en plusieurs circonstances de
remarquables résultats consignés dans
plusieurs lettres. Un autre savant bien
connu, sir David Brewster, après avoir
assisté à quelques séances, avait
déclaré que ce qu'il avait vu lui était
absolument inexplicable, soit par la
fraude, soit par les lois physiques
connues. Mais il se rétracta plus tard,
dans la crainte de compromettre sa
réputation et alla même jusqu'à
prétendre que les phénomènes n'étaient
que le produit de la supercherie. Nous
verrons plus loin que cette frayeur du
qu'en dira-t-on n'était pas spéciale à
ce philosophe.
Pendant que les journaux anglais s'occupaient
de Home, attaqué par les uns, défendu
par les autres, dans une polémique
entamée au sujet de sir Brewster, -
polémique racontée avec de nombreux
détails dans Life and Mission[8]
, - le médium avait quitté l'Angleterre
et passait l'automne de 1855 à Florence.
C'est dans cette ville qu'eut lieu un
incident dont les suites n'eurent,
heureusement, d'autre gravité que l'émotion
qu'il lui causa. Rentrant un soir chez
lui, il fut assailli par un inconnu qui
lui porta trois coups de poignard. Sauf
une égratignure, pourtant, ils ne firent
de tort qu'à ses vêtements, en
particulier à la fourrure qu'il portait
ce jour-là.
Il serait trop long de raconter en
détail les pérégrinations de Home, dont
la vie entière se passa en voyages
perpétuels exigés, tantôt par sa santé
qui l'obligeait à des changements de
climat suivant les saisons, tantôt par
les invitations qu'il recevait des
nombreux amis qu'il se faisait dans
chaque endroit où il séjournait. De 1857
à 1876, nous le trouvons presque chaque
année en Angleterre, d'où il se rend
soit en France et en Italie, soit à
Genève, où il fait d'assez longs séjours,
soit en Russie, pays dont les deux
épouses qu'il a eues étaient originaires.
Il se marie une première fois en 1858 à
Saint-Pétersbourg, avec Mlle Alexandrina
de Kroll, dont il avait fait
connaissance à Rome, chez sa sœur, Mme
la comtesse de Koucheleff, mais cette
union de courte durée, est brisée en
1862 par la mort de Mme Home.
À la fin de cette même année, il se rend
de nouveau à Rome dans l'intention d'y
étudier la sculpture. Le 12 janvier
1863, il recevait une lettre l'invitant
à se rendre à la direction de police. Il
y subit un interrogatoire, au cours
duquel l'inspecteur lui demanda comment
les Esprits se manifestaient à lui. Des
raps aussitôt se firent entendre, tant
sur la table voisine, qu'ailleurs. A la
suite de cette entrevue, il lui fut
enjoint d'avoir à quitter dans trois
jours la ville éternelle. Il dut se
soumettre, non sans avoir protesté
contre cette mesure arbitraire, auprès
du gouverneur et du consul anglais.
Ce curieux épisode est raconté tout au
long dans la préface de son ouvrage :
Révélations sur ma vie surnaturelle.
*
* *
En 1867 et 1868, des difficultés bien
plus sérieuses lui furent suscitées par
Mrs. Lyon qui, après l'avoir pris
momentanément en affection, exigea le
remboursement de la fortune dont elle s'était
dépouillée en sa faveur ; ce fut l'occasion
d'un procès qui fit beaucoup de bruit et
dont le lecteur trouvera plus loin les
détails circonstanciés.
*
* *
En 1870, Home suit, dans le camp
allemand, en qualité de correspondant d'un
journal anglais, les péripéties du siège
de Paris et, au milieu de ces scènes de
carnage, il fait preuve de courage et de
dévouement en plus d'une circonstance.
*
* *
Resté veuf jusqu'en 1871, il fait
connaissance à cette époque de sa
seconde femme, avec laquelle il passa
quelques années aussi heureuses que le
permettait une santé toujours
chancelante ; il en eut une fille qui ne
vécut que quelques mois. La dépouille
mortelle de cette enfant repose à
Saint-Germain, dans un caveau où le père,
qui ressentit, un profond chagrin de
cette perte, fut placé à son tour, selon
le désir qu'il en avait exprimé.
Pendant les dix dernières années de sa
vie, il passe presque tous ses hivers à
Nice et, dans la belle saison, par
contre, on le trouve tantôt dans un pays,
tantôt dans un autre. Vers la fin de
1884, il annonçait à sa femme que la
maladie approchait d'une crise, qu'il
prévoyait longue et pénible ; les
différentes phases qu'il en avait
décrites se réalisèrent parfaitement et
après dix-huit mois de souffrances,
mitigées par des périodes de calme
relatif, il s'éteignait paisiblement le
21 juin 1886.
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